Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

2.2.10

LES AFFAIRES DE STYLE SONT LES AFFAIRES DE STYLE POURVU QUE LE SOUFFLE CONTINU




Sons d'Hiver et le Souffle Continu eurent la bonne idée d'organiser le 27 janvier un débat présenté par Alexandre Pierrepont avec quelques producteurs de musique liée au jazz. On y retrouvait Stéphane Berland pour Ayler Records, Michel Dorbon pour RogueArt, Mathieu Immer pour Amor Fati, Jacques Oger pour Potlatch, Didier Petit pour in situ, Daniel Richard pour ex Universal Jazz, les Mondes du Jazz, Gérard Terronès pour Futura-Marge et Jean Rochard pour nato. Belle affluence et de plus critique et chaleureuse pour cette soirée à l'image de l'accueillante boutique. Même les nomades aiment à être content d'être quelque part. En guise de conclusion à moins que ce ne soit d'ouverture, le batteur Hamid Drake (dont le disque Reggaeology sort ces jours-ci) offrit un solo en pleins et déliés sans trou de mémoire. La citation de Don Cherry qu'il donna en exergue : "Le style c'est la mort de la créativité" résonna aussi fort que le plus puissant des mots de passe.

Le même jour dans Siné Hebdo, Denis Robert osait heureusement aller à l'encontre des louanges exagérées - voire typiquement obscènes - accompagnant la sortie du dernier livre de James Ellroy Underworld. James Ellroy est un grand cultivateur de style. Le 11 janvier, il passe au journal du matin de France Inter, la performance de petite provocation stylisée est attendue. C'est une auditrice posant une question parfaitement incongrue qui fait la différence. Elle est hors style, mais pourtant diablement révélatrice. Elle demande à Ellroy son point de vue sur l'emprisonnement de Leonard Peltier. Il ne sait pas de qui il s'agit et pire encore, aucun des journalistes l'entourant non plus. Une fois informé par l'auditrice, l'auteur du Dahlia Noir se contente d'un "qu'il y reste et qu'il se contente de ne pas avoir été exécuté, ce qu'il mérite" (cité de mémoire) et il ajoute "Sacco et vanzetti étaient coupables, les Rosenberg étaient coupables, tous étaient coupables...". Le message fascizoïde amuse les complaisants journalistes ; affaire de style et d'entre-soi ! On préférera et de loin à la lecture de ce faiseur faisandé, celle des instructives aventures de Denis Robert en bande dessinée (deux tomes parus) : l'Affaire des affaires scénarisées par Robert et Yan Lindingre et dessinées par Laurent Astier.

Samedi soir, coup d'envoi de Sons d'Hiver avec les élégances charnues d'Hamid Drake et les beaux pas de danse enfantins de Kahil El Zabar et Neneh Cherry. Chouette façon d'honorer Don Cherry fuyant le style sans avoir besoin d'écarter la mer. Certains musiciens des deux premières soirées de Sons d'Hiver se rendirent ensuite au Sunset où Gérard Terronès enregistrait l'une des formations les plus solides, unies et vivantes de l'histoire des musiques précitées : le trio d'Evan Parker avec Barry Guy et Paul Lytton. Picasso avait présagé le style comme composante de l'enfer, Evan Parker et ses compagnons nous ont rappelé que la seule continuité vivifiante était celle du souffle.



Images: B. Zon

2 commentaires:

Wako a dit…

C'est William Parker en haut à droite?

nato a dit…

Oui

(Pardon pour le retard de réponse)