Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

30.4.07

OU SOMMES-NOUS ?





















Lors de son meeting au Palais omnisports de Paris-Bercy, dimanche 29 avril (en présence de nombreuses personnalités de la vie culturelle francaise : Johnny Hallyday, Jean-Marie Bigard, Basile Boli, Christian Clavier, Jean Reno, Enrico Macias, Gilbert Montagné, Faudel, David Douillet, Paul Lou Sulitzer, Alain Prost, Dominique Farrugia, Henri Leconte, Henri Salvador, André Glücksmann, Carlos, Véronique Genest, Christophe Dominici, Didier Barbelivien, Macha Beranger, Rika Zarai, Arthur, Stephane Collaro, Roger Hanin, Roland Magdane, Simone Veil ), le (candidat à l'élection) président(ielle) Nicolas Sarkozy a prononcé ces mots qui sont sans doute les plus clairs et les plus représentatifs de ce qu'il entend faire (ceux à partir desquels nous devrons vraiment nous positionner) : "Dans cette élection, il s'agit de savoir si l'héritage de Mai 68 doit être perpétué, ou s'il doit être liquidé une bonne fois pour toutes".

Dans un autre temps, le Général Franco, spécialiste en liquidation, avait dit en 1936 : "Pour sauver l'Espagne, je ferais fusiller la moitié de la population s'il le fallait. " Ces mots furent prononcés juste après l'exécution du poète Federico Garcia Lorca par les franquistes.

Dans le film Diego, de Frédéric Goldbronn (DVD Doc net films), Abel Paz (Diego Camacho) évoque les barricades de Barcelone de 1936 contre le soulèvement fasciste qui commence ce qu'il est convenu d'appeler la Guerre d'Espagne (en présence active de nombreuses personnalités de la vie culturelle internationale : Simone Weil, George Orwell, Carl Einstein, Ernest Hemingway, Jorge Semprun, Arthur Koestler, Wystan H. Auden, Lucia Sanchez Saornil). Il se remémore par association d'idées Mai 68 : "Je me souviens qu'en Mai 68, alors que j'étais à Paris, il y avait 119 barricades au Quartier Latin. Elles n'étaient pas toutes des barricades stratégiques, mais il y a des moments dans la révolution où ériger une barricade est un acte collectif. "

Jean

Légende photo : Paris, août 1944

23.4.07

SANS COURBETTES





















"Ne pensez-vous point qu'il y aurait plus de chances de trouver des formes neuves en allant cueillir dans les bois quelques-unes de ces herbes sur lesquelles vous marchez, indifferents ..."

Viollet Le Duc - Dictionnaire raisonné de l'architecture.


Tableau : L'Origine du Monde de Gustave Courbet, un des rares artistes ayant soutenu franchement la Commune de Paris.

15.4.07

AUTRE VIE, AUTRE FUTUR





Voir le film de Christian Rouaud (Les Lip ou l'imagination au pouvoir) et écouter le jour suivant un reportage (France Inter 15/04/07) sur l'invention internet de la société Californienne Liden Lab, Second Life, a de quoi donner le tournis. D'un côté des ouvriers autogérant leur lutte (et autogérant un temps leur entreprise) en prenant en main leur destin pour transformer, lors d'une épreuve douloureuse, le réel en rêve d'existence commune, de l'autre la création d'"avatars" (c'est le mot employé), doubles fantasmés des internautes participant au programme Second Life. Comment, comme le dit Charles Piaget dans le film, appréhender le courant d'air soudain provoqué par l'ouverture d'une fenêtre dont on a toujours rêvé qu'elle s'ouvre ? Les Lip avaient semé une graine d'espoir que Valery Giscard d'Estaing voulait autoritairement éradiquer « Il faut les punir [les Lip]. Qu’ils soient chômeurs et qu’ils le restent. Ils vont véroler tout le corps social." Alors que les élections présidentielles sont aussi largement devenues un jeu virtuel (et l'exercice le plus incroyablement pornographique qui soit), les dégraissés de Second Life s'enroulent dans l'abîme de l'abandon de toute réalité de ce qui constitue l'être, l'enfermement total et la gestion schizophrénique. 1984 est dépassé, la chair à canon devient chair à saucisses de l'intestin du "fun". "Il n'y a plus rien" chantait Léo Ferré...

Voir un film n'est pas assez si son pouvoir de transmission n'opère pas (les spectateurs du film de Rouaud peuvent devenir acteurs) et parler de ce qui fait pleurer sur un blog est risible (les acteurs d'internet se transforment facilement en atroces spectateurs). Dans un cas comme dans l'autre, sortir de l'isolement de chair et d'esprit pour que les doigts caressent autre chose que des claviers, que les yeux voient autre chose que des écrans et que le réel fasse l'amour au rêve.

Et lorsque l'on vous offre une rose, foutez votre ordinateur aux orties !

Jean

10.4.07

SLIM HARPO




Le bluesman louisiannais Slim Harpo s'appelait dans le monde réel James Moore. À Baton Rouge, ce garçon qui doit veiller sur ses frères et soeurs dès l'âge de 17 ans à la mort de ses parents devient docker et chauffeur routier (il eut même brièvement sa propre boîte de transport). Partenaire de Lightin Slim, il enregistre aussi sous son nom quelques classiques "I'm a King Bee", "Rainin' my heart", "Baby, Scratch My Back", "Shake your hips" (repris comme "I'm a King Bee" par les Rolling Stones). La musique de cet avaleur de kilomètres ne ressemble à rien d'autre qu'une visite attentive de la surface de la terre. La peine est lourde mais pudique, elle est aussi action de tout un être, elle est de toute liberté de corps. Les mots surgissent à la conquête désintéressée du coeur et le reste chatouille les hanches avec la plus élégante et vitale sensualité. Curieuse conclusion, ce sera la chute d'un moteur de camion qui tuera ce routard.



13 DISQUES AVEC LE TEMPS



Sonny Rollins : Now the time
The Rolling Stones : Flowers
Pentangle : Cruel sisters
Léo Ferré : Il n'y a plus rien
Kenny Clarke : Telefunken blues
Don Byas : En ce temps là
Michel Doneda, Lê Quan Ninh, Dominique Regef : Soc
The Pretty Things : Get the Picture
Louis Armstrong and his friends
Julie Driscoll, Brian Auger and the Trinity : Street noise
Ennio Morricone : Il était une fois dans l'Ouest
Lee Konitz : Motion
Paul Gonsalves : Gettin Together

9.4.07

URNE À CENDRES



Une amie m'a adressé aujourd'hui un petit mot pour se souvenir de Rosa Luxemburg. Quelqu'un d'inoubliable (voir les messages du blog en février au sujet de Traven). Plus tard en passant devant un panneau d'affichage électoral, j'ai vu la photo de la candidate à la présidence de l'arrêt public du parti dit socialiste. L'accroche de l'affiche était "La France Présidente". Délire substitutif ? Crème à raser nationaliste ? J'ai alors pensé à Rosa Luxemburg que mon amie avait bien fait d'évoquer ne serait-ce que pour se souvenir de l'avenir du souvenir. La belle Rose fut assassinée en 1919 sur ordre des sociaux démocrates allemands ainsi que son compagnon spartakiste Karl Liebnecht.















Spartakistes

Un élu du parti socialiste français la semaine passée a offert des drapeaux aux jeunes qui venaient d'avoir leur carte d'électeur lors d'une cérémonie tonitruante à grand renfort de "Marseillaise". En 1914, on avait distribué des drapeaux à ceux qui partaient la fleur au fusil faire une guerre "facile" à l'Allemagne. Allemagne où Rosa Luxembourg, les spartakistes, anarchistes et autres groupes composant la future République des Conseils de Bavière s'opposaient à la guerre et à toutes les formes de nationalisme imbécilement criminel. Une autre amie (vivent les amies de l'île de Pâques) m'a adressé aujourd'hui un commentaire de Proudhon sur les élections de 1848 "La France a nommé Louis Bonaparte Président de la République, parce qu'elle est fatiguée des partis, parce que tous les partis sont morts.(...) Proudhon expliquera que "l'horreur légitime qu'inspirait le Général Cavaignac avait par ailleurs précipité vers Napoléon la plupart des démocrates". On sait bien qui est le Badinguet d'aujourd'hui, on sait bien qui sont les héritiers des sociaux démocrates et de leur longue histoire de trahison des idéaux populaires, mais où sont les copains de Rosa Luxemburg ? ... À voir.

Bientôt, dans l'urne, un vomi énorme ! En séchant, il finira par devenir cendres. Snif !


Jean

2.4.07

INSTITUTRICES





















La mère de Rosa Parks, Leona McCauley, était institutrice. Par un simple mouvement, en refusant de laisser sa place dans un bus à un Blanc en pleine Amérique ségrégationniste, sa fille a exprimé ce que des milliers de gens ressentaient. Elle a osé. La semaine passée, Valérie Boukobza directrice de l'école Rampal de Belleville a été mise en garde à vue pour avoir protesté contre l’arrestation par la police d’un grand-père chinois sans-papiers venu chercher son petit-fils à la sortie des classes. Elle a osé. À l'heure où les élections se préparent à battre des records d'imbécilité et de duperie, c'est encore le geste d'une institutrice qui inspire. Ce geste d'un courage simple quand "les élections sont devenues la représentation d'une comédie absurde, honteuse, où la participation du citoyen est très faible et dans laquelle les gouvernements représentent les commissaires politiques du pouvoir économique" (pour citer José Saramago La Lucidité* - Le Seuil 2006), s'impose à tous comme un geste quotidien qui sauve, un geste de participation très forte. Il faut juste activement commencer par un bout pour aller vers ce dont beaucoup rêvent passivement. C'est à la portée de tous.

Jean

Sur José Saramago voir aussi